Après avoir longuement évoqué l'eau dans notre commune, ses qualités, les pollutions dont elle est victime et la façon de l'améliorer, ne pourrait-on pas s'intéresser, le temps d'un petit article, à... son coût! Comme nous le remarquons (et regrettons), la générosité avec laquelle la nature nous offre son eau ne va pas jusqu'à nos robinets, mais s'arrête aux différentes sources, là où elle est prise en charge par quelque organisme bien faisant! A partir de là, la générosité change de sens!!!
De nombreuses informations sont données sur le site internet des collectivités locales:
http://www.collectivites-locales.gouv.fr/leau-et-lassainissement
Première info, il n'y a pas d'obligation de raccorder un immeuble au réseau public de distribution d'eau. Un habitant qui possèderait une source peut l'utiliser pour s'approvisionner en eau. Par contre, il doit posséder un système individuel de traitement des eaux usées s'il n'y a pas de réseau collectif, et doit être raccordé obligatoirement au réseau collectif s'il y en a un. Un usager dans ce cas ne paie pas l'eau qu'il consomme, mais doit s'acquitter du coût de l'assainissement. Afin d'évaluer le volume d'eau usée à traiter (et donc à facturer), l'usager doit installer et entretenir à ses frais un dispositif de comptage de l'eau consommée et transmettre les relevés à l'autorité compétente. En cas d'absence de ce dispositif de comptage, une estimation est réalisée par ladite autorité en fonction de critères comme la surface du logement, du terrain, le nombre d'habitants et la durée du séjour.
Ces renseignements sont fournis par l'article R2224-19-4 du code général des collectivités territoriales.
Venons-en à notre facture d'eau. Celle-ci comporte trois sections. La distribution de l'eau, la collecte et traitement des eaux usées et les organismes publics. Cette dernière section concerne les taxes prélevées pour l'agence de l'eau. Il y en a 2, l'une pour la lutte contre la pollution et l'autre pour la modernisation des réseaux. Ces 2 taxes sont strictement proportionnelles au volume d'eau consommé et sont frappées de taux de TVA différents (puisqu'en France, on paie de la TVA sur des taxes....)
Ce que dit la loi en termes de facturation:
Tout est dit dans l'article L2224-12-4 dont copie est en fin d'article. Pour résumer, la facturation peut comporter une part non proportionnelle à la consommation (l'abonnement), mais ce n'est pas obligatoire. Si elle est appliquée, cette partie ne doit pas dépasser 30% du montant total de la facture TTC (40% pour les communes touristiques) pour une consommation annuelle de 120 m3. Pour une telle consommation, la facture de la Saur est conforme à la loi, mais au prix d'un tarif prohibitif pour la partie qui dépasse 100 m3.
Un peu d'histoire.
Vers la fin des années 80, la Saur nous facturait un forfait de 100 m3 quelle que soit la quantité d'eau consommée en dessous de cette valeur. Au dessus de 100 m3, le volume d'eau dépassant ce forfait était facturé en supplément à un prix dissuasif. Puis, cette pratique du forfait est devenue illégale pour la plus grande satisfaction des habitants. Mais la Saur a remplacé le forfait par l'abonnement, ce qui fait que rien n'a changé dans le montant de la facture pour les clients... Il semble que cette valeur 100 m3 ait toujours été un seuil qu'il convient de ne pas dépasser. Il est aussi intéressant de noter que ce seuil est typiquement Chartroussin. De plus, le tarif au m3 qui augmente fortement avec la quantité consommée annuellement est une pratique qu'on ne trouve qu'entre le col de Porte et celui du Cucheron, là où l'eau est naturellement très abondante.....
Allez comprendre quelque chose.
Les factures des Chartroussins et celles des autres.
Nous allons faire un petit comparatif du prix de l'eau tout compris chez nous et ailleurs. Pour que la comparaison soit juste, les différents montants ont été ajustés pour une même consommation annuelle de 120 m3, valeur qui est prise en référence pour la législation. Il s'agit du prix de la fourniture de l'eau et du traitement des eaux usées. Les résultats sont les suivants:
Qu'est- ce qui pourrait expliquer le prix de notre eau?
La Saur effectue les réparations sur les canalisations lorsqu'une fuite est détectée. 24 réparations ont été effectuées e . A cela s'ajoute l'entretien du matériel, vannes, réducteurs de pression et fonctionnement des captages et les traitements. Des travaux d'amélioration du réseau sont proposés dans le rapport annuel de la Saur. Celle-ci fait état de travaux qui ont été commencés en 1993 et qui doivent être poursuivis (rapport d'activité 2014). Là, on se rapproche de l'éternité... Différents autres travaux d'amélioration des réseaux sont prévus, mais sans aucune date. Lors du renouvellement du contrat avec la Saur en 2010, celle-ci s'était engagée à mettre en place des limiteurs de pression, des compteurs par sous réseaux et des écouteurs pour déceler les fuites, ceci dans la durée du contrat (10 ans). Le réseau communal a une longueur d'environ 14 km, la majeure partie dans un état pitoyable, ce qui fait que les fuites sont une fois et demi plus importantes que la consommation réèlle.
Côté assainissement, la Saur effectue les opérations de débouchage de tuyaux, d'entretien de la station d'épuration du petit Logis. On ajoute, en 2014, la création d'un réseau de 40 mètres à Morinas. Elle s'était engagée à remplacer les deux disques de purification de la station d'épuration dans la décennie.
La Saur s'était engagée, d'autre part, à provoquer deux fois par an une rencontre avec les élus pour faire le point sur l'avancée de ces différents travaux...
Il faut faire une parenthèse sur le travail qu'effectue l'équipe technique sur place, souvent dans des conditions difficiles lorsqu'il faut mettre des rustines sur les tuyaux percés, et avec un souci de minimiser autant que possible les désagréments pour les abonnés (coupures d'eau).
Alors, maintenant, que faire?
On parle souvent d'un retour vers une gestion communale de l'eau. Cette solution a été évoquée lors du renouvellement du contrat avec la Saur en 2010. Une étude a même été réalisée par un organisme public. Il en est ressorti qu'un passage en l'état vers une gestion communale serait fort coûteuse. Le respect de la normalisation tant sur l'eau que sur l'assainissement, les travaux de réparation et d'entretien, ne peuvent s'improviser et doivent être sous traités si on n'a ni les compétences, ni le matériel, ni le personnel. Les sous traitants sont, par exemple, la Saur...
Il est clair qu'une entreprise privée doit faire des bénéfices. Est-ce pour cela que l'équivalent public fait le travail pour moins cher? Pas sûr du tout. Nous sommes bien placés pour savoir qu'il y a des syndicats qui vivent de perfusions d'argent public de façon récurrente entrainant la ruine des communes associées!
L'eau gérée par les communes est-elle moins chère? Pas sûr si on regarde les tarifs de notre comparatif. L'eau de st Ismier fait partie des moins chères alors qu'elle est gérée par la Saur. L'eau de Correçon fait partie des plus chères, Grenoble est pas mal non plus, et elles sont communales. Bravo à St Laurent du Pont (communale et bon marché). Pourquoi une telle différence entre deux communes, St Ismier et St Pierre de Ch, gérées par le même délégataire, la Saur? L'état du réseau n'explique pas tout, car il y a sûrement des fuites sur le réseau de St Ismier. Les Ismérusiens (de st Ismier) sont sûrement de meilleurs négociateurs que nous. Il n'y a pourtant que la dent de Crolles qui nous sépare. Il y a aussi le cas, très proche du nôtre d'un point de vue géographique, de St Pierre d'Entremont qui facture un forfait annuel mais où l'eau est à volonté. Notre vallée bénéficie d'autant de sources que la leur, mais le tarif au robinet n'a plus rien à voir.
Signalons enfin que la part communale de l'assainissement a augmentée de 50% entre 2013 et 2015 à St Pierre de Chartreuse. Il ne semble pas que le public ait été informé de ce "cadeau"... C'est le conseil municipal qui décide des tarifs.
En guise de conclusion
Délégataire privé ou gestion communale; le choix s'étudie, mais il ne faut pas attendre l'échéance du contrat du délégataire pour faire l'étude. Pour négocier un contrat, avec un délégataire privé, contrat qui soit intéressant pour les habitants, une étude approfondie (sur plusieurs années, peut être) est indispensable. Pour un retour à une gestion communale, une compétence spécifique en gestion de l'eau est nécessaire, en plus d'une compétence généraliste. Celles ci, difficiles à acquérir, doivent être stables dans la durée. Elles ne peuvent donc pas être portées par un élu car, comme on le sait, un élu municipal est assis, tous les 6 ans, sur un siège éjectable... Par contre, un tel poste peut être soit mutualisé avec une commune voisine soit utilisé pour la gestion de tous les problèmes techniques de la commune, et on en a beaucoup. Ca permettrait, peut être, en encadrant mieux l'étude de certains grands projets, d'éviter les dépassements importants de budgets que nous avons à déplorer. Quel que soit le choix, public ou privé, le système "St Pierre d'Entremont" sans comptage d'eau consommée, plus simple à gérer, pourrait s'appliquer si la loi nous y autorise. Est-ce encore négociable avec les services de la préfecture?
Il est donc important et urgent de prendre le problème à bras le corps sans attendre la fin du contrat avec la Saur. Le travail effectué par des élus il y a 5 ans et l'étude qui a été faite sont déjà un bon début que l'on pourrait mettre à profit. Signalons enfin, que l'état de notre réseau peut éventuellement justifier des aides substantielles pour lesquelles il est indispensable de monter des dossiers solides, donc d'avoir étudié profondément le sujet.
Annexe
Article L. 2224-12-4 du CGCT
La part proportionnelle est déterminée en fonction du volume réellement consommé par l’abonné, soit sur la base d’un tarif uniforme au mètre cube, soit sur la base d’un tarif progressif.
A titre exceptionnel, la commune peut fixer une tarification forfaitaire, après autorisation du préfet de département. Elle peut également, sous certaines conditions, établir un tarif dégressif.
La part fixe, facultative, correspond aux charges fixes du service et aux caractéristiques du branchement, notamment du nombre de logements desservis. En application de l’arrêté interministériel du 6 août 2007 relatif à la définition des modalités de calcul du plafond de la part de la facture d’eau non proportionnelle au volume d’eau consommé, le montant maximal de cet abonnement ne peut dépasser, par logement desservi et pour une durée de douze mois, tant pour l'eau que pour l'assainissement, 30 % du coût du service pour une consommation d'eau de 120 mètres cubes, et 40 % pour les communes touristiques.
La commune peut définir des tarifs de l’eau par catégories d’usagers telle que celle des « ménages, occupants d'immeubles à usage principal d'habitation » (article L. 2224-12-1du CGCT). Par ailleurs, les différenciations tarifaires par catégories d’usagers sont admises dans les limites définies par la jurisprudence relative au principe d’égalité des usagers devant le service public (différence de situation ou motif d’intérêt général). Toutefois, les discriminations tarifaires entre résidents permanents et résidents secondaires sont jugées illégales, dès lors qu’elles ne trouvent leur justification ni dans la différence de situation existant entre ces deux catégories d'usagers ni dans aucune nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service.
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